Surveillance totale par Igniacio Ramonet

Ceux qui, cet été, compte aller aux Etats-Unis doivent savoir que, en vertu d’un accord entre la commission Européenne et les autorités fédérales, certaines informations personnelles seront livrées, sans leur consentement, aux douanes américaines par la compagnie aérienne avec laquelle ils s’apprêtent à voyager. Avant même qu’ils entrent dans l’avion, les autorités américaines connaîtront leur nom, prénom, âge, adresse, numéro de passeports et de cartes de crédit, état de santé, préférence alimentaire (qui peuvent traduire leur religion), voyage précédent, etc.

Ces renseignements seront livrés à un dispositif de filtrage baptisé CAPPS pour détecter d’éventuels suspects. En contrôlant l’identité de chaque voyageur et en la croisant avec les informations des services policiers, du département d’État, du ministère de la justice et des banques, CAPPS évaluera le degré de dangerosité du passager et lui attribuera un code couleur : vert pour les inoffensifs, jaune pour les cas douteux, et rouge pour ceux qui seront empêchés d’accès à l’avion. Si le visiteur est musulman ou originaire du Proche-Orient, le code jaune de suspect lui sera attribué d’office. Et le programme de sécurité aux frontières autorise les agents des douanes à les photographier et à relever les empreintes digitales.

Les latino-américains sont aussi dans le collimateur. On a découvert que 65 millions de Mexicains, 31 millions de Colombiens et 18 millions de centres américains étaient fichés aux Etats-Unis à leur insu. Sur chaque fiche figure la date et le lieu de naissance, le sexe, l’identité des parents, une description physique, la situation matrimoniale, le numéro de passeports et la profession déclarée. Souvent, est aussi enregistré d’autres informations confidentielles comme les adresses personnelles, les numéros de téléphone, de comptes bancaires et d’immatriculations de voitures, ainsi que les empreintes digitales. Peu à peu, tous les latino-américains seront ainsi étiquetés par Washington.

« le but est d’instauré un monde plus sûr. Il faut être informé sur le risque que représentent les personnes qui entrent dans notre pays », a affirmé M. James Lee, un responsable de Choice point, l’entreprise qui achète ces fichiers pour les revendre à l’administration des Etats-Unis. Car la loi américaine interdit de stocker des informations personnelles. Mais pas de commander à une société privée de le faire pour le gouvernement. Installée près d’Atlanta, Choice Point n’est pas une entreprise inconnue. Lors du scrutin présidentiel en Floride en 2000, sa filiale DBT avait été engagée par l’État pour réorganiser ses listes électorales. Résultat : des milliers de personnes furent privés de leur droit de vote. Ce qui modifia l’issue du scrutin, remportée par M. Bush avec seulement 537 voix d’avance… On se souvient que cette victoire lui permit d’accéder à la pésidence.

Les étrangers ne sont pas les seuls à faire l’objet d’une surveillance accrue. Les citoyens américains n’échappent pas à l’actuelle paranoïa. De nouveaux contrôles, autorisés par la loi Patriot Act, remettent en question la vie privée et le secret des correspondances. L’autorisation de mise sur écoute téléphonique n’est plus requise. Les enquêteurs peuvent accéder aux informations personnelles des citoyens sans mandat de pequisition. Ainsi, le FBI demande aux bibliothèques de lui fournir les listes des livres et des sites internet consutés par leurs abonnés pour tracer un « profil intellectuel » de chaque lecteur…

Mais le plus délirant de tous les prohet despionnage illégal est celui qu’élabore le Pentagone sous le nom de Total Information Awareness (TIA), système de surveillance totale des informations, confié au génégral John Pointdexter, condamné dans les années 1980 pour avoir élé l’instigateur de l’affaire Iran-Contra. Le projet consiste à collecter une moyenne de 40 pages d’informations sur chacun des 6 milliards d’habitants de la planète et à confier leur traitement à un hyperordinateur. En traitont toutes les données personnelles disponibles –paiement par carte, abonnement aux médias, mouvements bancaires, appels téléphoniques, consultations de sites web, courriers électroniques, fichiers policiers, dossiers des assureurs, informations médicales et de la sécurité sociale-, le Pentagone compte établir la traçabilité complètede chaque individu.

Comme dans le film de Spielberg, les autorités pensent pouvoir prévenir les crimes avant même qu’ils soient commis. « Il y aura moins de vie privée mais plus de sécurité, estime M John L Pertersen, président de Arlington Institute, nous pourrons anticiper le futur grâce à l’interconnexion de toutes les informations vous concernant. Demain, nous saurons tout de vous. » Big brother est dépassé…