Après s'être développé pendant dix ans, le secteur des organismes génétiquement modifiés (OGM) semblent marquer le pas. Les entreprises investissent moins dans la recherche, leurs bénéfices stagnent, les gouvernements durcissent leur législation. Mais, paradoxalement, la superficie des champs consacrés aux cultures transgéniques continue de s'étendre aux États-Unis. Et, dans le monde, avec près de 45 millions d'hectares, elle est vingt-cinq fois plus importante qu'il y a 5 ans.
Le spécialiste de l'industrie chimique le plus écouté à Wall-street,Sergey Vasnetsov, juge les perspectives des OGM "moins brillantes qu'il y a trois ans. L'ambiance n'est plus à l'euphorie. La croissance se ralentit considérablement. Le secteur a surestimé le rythme de progression et sous-estimé la résistance des consommateurs. Le marché ne croît pas et les budgets de recherche sont inférieurs de 5 à 7 % par rapport à leur niveau de il y a 5 ans. Sur le plan des idées, les OGM sont en perte de vitesse". Monsieur Vasnetov réfute avec véhémence les arguments selon lesquels les cultures transgéniques atténuerons la faim dans les pays en développement. "Que l'on cesse de prétendre qu'il y a pénurie alimentaire. La faim existe, mais pas la pénurie. La nourriture obtenue à partir d'OGM est pour les pays riches. L'argent tiré des OGM va dans les pays développés. La bataille se déroule en Europe", martèle-t-il. Les analystes américains craignent que, 10 ans après les premières plantations, les OGM soient un phénomène nord-américain, le reste du monde manifestant une réserve grandissante. Les États-Unis concentrent désormais 80 pour cent des superficies cultivées, suivi par le Canada, l'Argentine et la Chine. Dix autres pays cultivent de petites quantités.

Le développement des cultures dépend largement de la levée du moratoire appliqué depuis trois ans par l'Europe sur les nouvelles plantations commerciales. Les entreprises feront probablement campagne pour obtenir un assouplissement. Ailleurs, nombre de pays essaient de barrer la route aux exportations agricoles étasuniennes - qui représente 30 milliards de livres - par des mesures réglementaires. La Thaïlande, premier exportateur de riz dans le monde, réglemente sévèrement l'étiquetage, la tracabilité des aliments ; l'Algérie, grand importateur de produits agricoles, pourrait interdire totalement l'importation, la production et la vente d'OGM ; le Japon, qui absorbe 20 % des exportations agricoles américaines, soit 11 milliards de dollars par an, a introduit de stricte règles d'étiquetage pour vingt-quatre catégories de produits ; et de nouvelles lois risquent de retarder de plusieurs années les cultures du maïs transgéniques en Chine. Au Sri-Lanka, le gouvernement subi une pression intense de la part de l'organisation mondiale du commerce (OMC) et des entreprises pour qu'ils n'interdisent pas de nouveau l'importation et la culture de produitsgénétiquement modifiés.
De l'aveu des organisations agricoles et du gouvernement américain, les exportations de ce pays sont gravement affectées par le problème des OGM. L'Europe, le Japon, Taïwan et la Corée du sud préfèrent de loin acheter du maïs et du soja traditionnel au Brésil et a la Chine plutôt qu'aux États-Unis. Selon une enquête menée récemment auprès de 14.000 membres de l'association des cultivateurs de maïs américain, 78 % d'entre eux seraient prêts à renoncer aux OGM pour reconquérir de marché perdu. Quand aux consommateurs, ils se montrent de moins en moins enthousiastes. Selon ce sondage ABC de juin, 52 % des personnes interrogées jugent les aliments contenant des OGM "dangereux pour la santé" et seulement 35 % expriment leur totale confiance. Un an plus tôt, un sondage Gallup donnait des résultats inverse, 51 pour cent des américains estimant ces produits sans danger.
Les cultures transgéniques "éthiques", attendu par le gouvernement et les scientifiques, risquent fort de ne pas arriver de sitôt sur la marché. Dans les régions d'agriculture de subsistance, les paysans ne profiteront pas du fameux "riz en or" de Syngenta, génétiquement modifié de manière à contenir de la vitamine A, avant moins quatre ans : il ne peut, pour le moment, pousser que sous le climat tempéré.


Retour au sommaire Courrier International
Retour au sommaire Presse